Bientôt 6 mois que le mot cancer est apparu dans notre famille.
6 mois que notre vie a changé.
Des jours sont passés avec plein d’émotions différentes et des remises en question.
Notre famille a changé, tu as changé aussi Maman.
Tu as maigri a une vitesse folle, toi qui voulais perdre du poids, qu’est ce que tu en as perdu !?!
Mais comme tu nous l’as dit, ton corps avait fait des réserves, donc la maladie s’est nourrie que de ton gras. Là ou pour certains il ne reste que la peau sur les os, toi, il te reste encore de la marge.
Tu fais preuve d’un courage et d’une force dont je suis admirative, tu encaisses comme un boxeur sur un ring, tu tombes et tu te relèves, tu ne lâches rien.
Tes supporters (nous, tes enfants) , ton coach (papa), nos supporters à nous, et les coachs du coach on forme une super équipe, et quand un flanche un autre prend le relai.
On s’est découvert encore plus d’amour qu’avant. Et cet amour nous donne notre force, une force qu’on te transmet car il n’est pas à l’ordre du jour que tu meurs à cause de cette maladie.
Chimio, radiothérapie, hôpital et compagnie.
Je te voyais déjà perdre tes cheveux, je te voyais déjà totalement amaigrie, des clichés sur le cancer j’en avais plein. Je sais qu’on en meurt, je sais qu’on en guéri.
25 séances de radiothérapie étaient prévues, et tu as réussi Maman à les passer avec douleur, tristesse, colère et toutes tes émotions, mais tu as réussi.
La chimio dans ton cas s’est résumé à des cachets. Ton corps a accepté ce traitement, ta peau s’est fragilisée, tu n’as pas vomi tous les jours.
On s’est relayé dans la famille pour t’accompagner toute la semaine à tes séances de radiothérapie. Un taxi venait nous chercher, arrivé à l’hôpital tu avais tes rituels, tous les patients se connaissent, si ce n’était pas le cancer qui les réunissait, on aurait pu penser à des retrouvailles entre amis. Mais non, chaque personne qui est là est malade, pour certains c’est une première, pour d’autres une rechute. Dans leur corps une maladie les ronge et ça ne se voit pas, c’est terrible. Une heure d’attente pour 15 mn de séance. Et nous voilà de retour à la maison et c’était tous les jours comme ça pendant 25 jours.
Ces derniers jours tu souffres beaucoup, tu prends de la morphine. J’ai l’impression que le cancer a envie de s’accrocher à toi, il n’a pas envie d’être expulsé de ton corps, alors il lutte, il s’accroche. Il te rappelle à travers cette douleur, qu’il est encore là et qu’il ne veut pas partir comme ça.
Je sais que tu en viendras à bout. Tu te bats comme jamais je ne t’ai vu te battre. Chaque jour qui passe est une victoire.
Tu pleures souvent aussi, tu as mal, mal dans ton corps et mal au moral, mal à la foi. Tu en as voulu à Dieu, tu en veux à la vie car tu ne méritais pas ça.
Tu ne mérites pas cette souffrance, tu as toujours été une bonne personne, tu as fait des erreurs dans ta vie, mais j’ai vu combien tu as réconforté les autres, donner à manger à des personnes dans le besoin alors que tu en avais à peine pour nous.
Notre quotidien a été bouleversé. La mort rôde mais la vie reste un énorme bouclier blindé d’amour.
Bientôt tu vas te faire opérer, c’est l’angoisse, une semaine d’hospitalisation prévue, une éternité. Tu en perds déjà le sourire, car tu ne veux pas rester loin de ton chez toi.
C’est une étape obligée, on sera là quoiqu’il en soit.
Tu as fini par accepter l’idée de voir un psy, et il a réussi à te faire accepter tes faiblesses. Oui tu as toujours tenu ton foyer avec une main de maître, et oui aujourd’hui tu dois nous laisser prendre le relais. Oui, tu as toujours pris soin de nous, et oui aujourd’hui, c’est nous qui prenons soin de toi.
Tu as du laisser temporairement ton travail, oh my god, là encore ça n’a pas été simple. Voilà plus de 35 ans que tu bosses, et tout à coup tu es à la maison H24 . Récemment tu m’as quand même avoué que tu prenais plaisir finalement, à avoir de longues vacances, et que ce n’était pas si désagréable de ne pas se lever le matin pour travailler.
Sentiments, émotions et relations.
Et tout à coup voici la réapparition de gens qui ne nous fréquentaient plus depuis des années. Tout à coup tout le monde t’appelle pour prendre de tes nouvelles. Tout à coup y a tout le temps du monde à la maison.
Ce n’est pas simple, car l’envie de leur dire qu’ils n’ont jamais été là quand tout allait bien et qu’ils n’ont qu’à rester chez eux.
Maman n’agonise pas , elle a un cancer mais elle est vivante et ce n’est pas cette maladie qui la prendra.
Mais passé le rejet, il suffit de voir son sourire pour savoir que finalement ça lui fait du bien qu’on se soucie d’elle, et qu’on soit aux p’tits soins.
Le tri dans les relations a été fait aussi. Certaines personnes de ta famille que tu vives ou que tu sois malade sont restés fidèles à eux-mêmes, là où tu t’attends à un minimum de compassion ; Et d’autres se sont révélés, inattendus. C’est aussi ça la magie de la vie.
On est tous à fleur de peau, des larmes, en veux-tu en voilà. Il y a des grands moments de doutes comme il y a des grands moments de bonheur.
L’inquiétude est palpable et mon papa, il essaie tant bien que mal de tenir la barque à flot avec notre aide. Il est perdu sans sa warrior de femme. Alors lui aussi il craque, je me souviens encore lors de la fête des mères, l’avoir pris dans mes bras et nous avons pleuré ensemble. Cette fête a eu une saveur particulière cette année, des litres de larmes à n’en plus pouvoir, des kilos d’amour à supporter encore.
C’est drôle de se rendre compte qu’on a autant de gens différents face au cancer, il y a les positifs dont je fais partie, les angoissés, ceux qui sont devenus médecins en regardant Dr House, les hypocrites, les curieux, les charognards, les prévoyants, les tisaneurs, les magnétiseurs, les barreurs de feu. D’ailleurs chapeau bas au barreur de feu qui l’a vraiment soulagé.
Chacun y va de son témoignage et de son expérience, mais beaucoup oublient que c’est son expérience à elle et son témoignage qui prévaut maintenant.
La maladie quand elle devient publique, et bien faut arriver à gérer le relationnel et c’est vraiment pas évident je l’avoue.
Moi qui suis sensible à toutes ces énergies qui circulent, j’avoue prendre le large quand il y a trop de visiteurs et revenir plus tard quand ils sont partis.
Notre maman on doit la partager, et faire avec le monde autour, et quand le monde est parti et bien il reste nous, entre nos larmes et nos rires, nos doutes et nos assurances, et quoiqu’il en soit beaucoup d’amour.
Papa on te porte aussi, on te laissera pas tomber non plus ; maman a besoin de soutien mais toi tu ne dois pas te sentir à l’écart bien au contraire.
Voilà ou on en est 6 mois plus tard. Je souffre aussi par moment en silence, mais j’efface vite ses larmes car tu as besoin de toute mon énergie positive, c’est ce que je peux te donner de meilleur ainsi que tout mon amour. Je t’aime Maman